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La laïcité expliquée par Jean Baubérot

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Message par Invité Jeu 5 Juin - 21:43

http://www.enfantsdelapatrie.net/tribune/laicite_jean_bauberot.html

La laïcité expliquée par Jean Baubérot

Jean Baubérot est professeur émérite de la chaire Histoire et Sociologie de la laïcité à l'EPHE.
Il a fondé le Groupe Sociétés, Religions, laïcités (CNRS-EPHE), dont il est toujours membre.
Ses nombreux travaux sur la laïcité font autorité et ont été traduits en quatorze langues. En 2008, il avait déjà attiré l'attention sur un travestissement de la laïcité dans son ouvrage La Laïcité expliquée à M. Sarkozy et à ceux qui écrivent ses discours (Albin Michel, 2008).

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En se focalisant sur l'Islam et en appliquant à lui seul le terme de laïcité, on tourne le dos à l'esprit de la loi de 1905, qui était une loi de pacification

Enfants de la Patrie.- Comment expliquez-vous l’acharnement contre les musulmans, sous prétexte de laïcité ?

Jean Baubérot.- Je crois qu'il y a un glissement de sens, qui fait que la laïcité, qui a toujours signifié la neutralité de l'Etat, glisse vers la neutralité de l'individu dans la vie public.
C'est une déviation de la laïcité dont certains n'ont pas conscience, c'est pour ça que la laïcité qui était un thème progressiste, devient de plus en plus un thème repris par la droite dure et l’extrême droite.
Il y a ce glissement de sens qui aboutit à une différence entre les forces politiques qui se réclament de la laïcité et ce qui a existé jusqu'à aujourd'hui.


Enfants de la Patrie.- Quelle serait la définition de la laïcité française, au bout de cinq ans de sarkozisme ?

Jean Baubérot.- On peut dire qu'il y a une certaine entreprise de Nicolas Sarkozy, produisant un mouvement d’éloignement de la démocratie. La laïcité devient une sorte d'identité culturelle de la France mais tournée vers le passé, vers le passé mythique. D’un côté la laïcité judéo-chrétienne, et puis de l'autre côté il y a cet aspect ultra laïc avec la neutralité de l'espace publique. Il y a une sorte de grand écart que je rattache à la tradition gallicane. Le gallicanisme qui existait avant la laïcité se traduisait par une sorte d'intervention du pouvoir politique en matière de religion.
J’espère qu'après les élections présidentielles on remettra la laïcité sur ses pieds pour revenir à la conception initiale de la loi de 1905, où la séparation de l'église et de l’Etat était explicitement ordonnée à la liberté de conscience et à légalité des citoyens devant la loi.

Enfants de la Patrie.- La laïcité permet-elle la visibilité religieuse dans l'espace et les services publics ?

Jean Baubérot.- Ce que la laïcité demande, c'est qu'il n'y est pas une domination de la religion dans l'espace public ou dans les services publics, mais l'expression religieuse est libre, comme est libre d'autre forme d'expressions, par exemple le fait de s'habiller.
On ne devrait pas, en matière de laïcité, considérer de manière différente l'habit qui aurait une signification religieuse d'une autre forme d'habit. Ce sont les mêmes règles qui devraient s'appliquer à tout le monde.
Il y a une focalisation sur le religieux qui est contraire à ce qui à été fait en 1905. Aristide Brillant l'auteur de la loi, affirmait l’indifférence entre un habit qui a une signification religieuse pour la personne qui le porte et celui qui n’a pas de signification religieuse. C'est cela qu'il faut retrouver.
La demande de la laïcité à tout individu dans la vie publique, c'est de respecter la conviction de l'autre et de ne pas être agressif par rapport à l'autre.
On peut vivre tranquillement sa religion aussi bien dans l’espace privé que dans l'espace public.


Enfants de la Patrie.- Quel est le défi du multiculturalisme à la laïcité française ?

Jean Baubérot.-Ce qui est très intéressant c'est que la loi de 1905, essaye d'apporter une solution à une France qui a déjà une certaine diversités avec les catholiques, les protestants les juifs, les libres penseurs qui ne se rattachent à aucun culte. Cette diversité s'est accentuée par les flux migratoires, par la mondialisation, il y a les bouddhistes, les musulmans, les orthodoxes…
Il y a donc une plus grande diversité religieuse, culturelle, mais finalement la loi de 1905 nous donne une méthode. Elle a déjà essayé de trouver une solution pour la diversité de l'époque et en reprenant l'esprit de cette loi on peut trouver une solution. L’Etat ne doit pas se mêler de religion et ne doit pas prendre parti, parce qu'à ce moment là, il favoriserait une catégorie de citoyens par rapport à une autre.
Les religions ne doivent pas être officielles, il ne doit y avoir aucun caractère d’officialité. Les religions doivent être libres et bénéficier des libertés démocratiques; comme toutes les familles de pensées qui peuvent s'exprimer et concourir aux débats démocratiques, aux débats républicains.


Enfants de la Patrie.- Selon vous, quel sera l'avenir de la laïcité, que ce soit en France ou dans le monde ?

Jean Baubérot.- Moi je pense que, justement, une laïcité bien comprise est quelque chose qui doit de plus en plus s'imposer dans le monde, dans la mesure où tous les pays deviennent des pays pluri-religieux, pluri-culturels.
Pour qu'il n'y ait pas deux catégories de citoyens, on sera obligé d'inventer des règles de laïcité qui peuvent être différentes suivant les traditions nationales, suivant les lieux géographiques etc. Il n'y a pas un modèle monolithique de laïcité qui s'appliquerait de manière intemporelle à tout le monde, mais il faudra bien inventer des modèles qui finalement permettent de respecter la liberté de conscience et permettent de respecter le principe de non discrimination. Si on fonctionne selon ces deux principes, on est forcément dans une créativité laïque puisqu'on est obligé de séparer ce qu'on appelle la société civile, des croyances religieuses volontaires, libres et qui sont les choix personnels de chacun.
Je dirais d'ailleurs que les religions y trouvent leurs comptes, parce que, pour qu'une religion soit authentique il faut qu'elle soit portée personnellement par celui qui fait l'acte de foi.,Si c'est du conformisme social ce n'est pas une religion très authentique.


Enfants de la Patrie.- Selon vous, est ce que l'Islam est compatible avec la laïcité ?
Si oui, quel est l'apport de l'Islam à la laïcité ?

Jean Baubérot.- Moi je dirai, que c'est la laïcité qui doit être compatible avec l'exercice tranquille de toutes les religions. Il n'y a pas une laïcité qui serait posée en dehors des religions, et puis, la religion qui devrait être compatible.
La laïcité a été inventée pour résoudre des conflits politico-religieux. La laïcité doit être la règle du jeu qui permet à chacun de pratiquer tranquillement sa religion et de vivre à côté d'autres qui ont des religions, des convictions différentes. A priori il n'y a pas de problème particulier pour l'Islam.
Il peut y avoir des problèmes pratiques pour l'Islam ou pour d'autres religions, quand il y a des spécificités alimentaires par exemple, et que telle institution ne peut pas faire six ou sept sortes de repas. Là il faut un consensus, il faut offrir la possibilité de repas sans porc ou de repas sans viande par exemple. Ce genre d'accommodement se fait raisonnablement dans plusieurs endroits et les crispations qui sont faites, sont des crispations haineuse.
Je vais prends un exemple : Dans beaucoup d’apéritifs conviviaux, il y a du saucisson mais il y a aussi des petits fours sans porc, il y a du vin mais il y a aussi du jus d'orange, chacun prend ce qu'il veut et ce qu'il souhaite, ça ne pose pas de problème particulier. Par contre, quand on intitule l'apéritif saucisson-pinard, c'est une appellation haineuse. On veut signaler que ceux qui ne mangent pas de saucisson ou qui ne boivent pas de vin seraient de mauvais français. Cela est dirigé contre les musulmans et les juifs. Là, il y a une volonté de discrimination, et une volonté haineuse.
Il faut bien voir qu'il y a une diversité qui peut se vivre, et des gens qui veulent créer des séparations, créer des antagonistes. Il faut combattre ces actions.

Enfants de la Patrie.- l'Islam a t-il été évoqué lors des débat de la loi 1905, ou les autres religions comme le bouddhisme ou le hindouisme ?

Jean Baubérot.- A l'époque l'Islam existait dans les colonies. On a pas tellement évoqué l'Islam dans les débats de la loi de 1905. Par contre, on a dit qu'il y aurait des décrets pour chaque colonie, pour adapter la situation aux différentes colonies. Malheureusement, cet article 43 qui prévoient des décrets d’applications un peu différents a fait que la loi 1905 n'a pas été véritablement appliquée en Algérie. Ce sont des musulmans, des organismes musulmans, des Oulémas qui ont réclamé l'application de la loi 1905 en Algérie. Ca na jamais été réellement fait.
Quand on y a songé de manière véritable, c'était trop tard parce que c'était l'époque de la décolonisation, c'était l'époque de la guerre d'Algérie. Là, la France laïque a failli, elle était république à l’intérieur, mais n'a pas réalisé ses promesses au niveau de l'empire colonial.

Enfants de la Patrie.- M. Baubérot, croyez vous à l'Islamophobie ? Et si oui, quelle définition lui donneriez-vous ?

Jean Baubérot.- Moi je crois qu'il faut établir clairement une distinction entre le droit à la critique, les propos haineux et l'appel à la haine.
Le droit à la critique, c'est une critique argumentée quand on est pas d’accord avec telle chose. Par exemple, j'ai discuté avec des femmes qui portent un voile intégral. Je leur ai expliqué en quoi, personnellement, je n'étais pas d'accord avec le voile intégral.
Je n'étais pas d'accord avec une loi qui l'interdise, mais moi, personnellement, j'estimais que le voile intégral cherchait une sorte de pureté absolue et que ça me paraissait une voie sans issue. J'ai discuté, j'ai débattu, et elles pouvaient me répondre.
Par contre les propos haineux pratiquent l'amalgame qui essentialise les gens et les globalise. Comme ci on pouvait connaître ce qui se passait dans leur têtes, alors que c'est déjà bien difficile de savoir se qui se passe dans la sienne. Je crois que c'est très important de faire cette distinction là.
Les premiers relèvent du libre débat et les seconds nécessitent un recours devant les tribunaux. Je dirai qu'entre 2005 et 2009 il y eu une institution qui s’appelait la Halde « Haute autorité de lutte contre les discrimination » qui n'avait pas encore beaucoup de moyen mais avait un processus intéressant. Elle a essayé de faire du bon travail et malheureusement Nicolas Sarkozy a supprimé la Halde. Il me semble qu'il faudra que le prochain président de la république, si ce n'est pas Nicolas Sarkozy, rétablisse la Halde et lui redonne des moyens.

Retrouvez d'autres interviews et les travaux de Jean Baubérot sur plusieurs blogs:
- http://jeanbauberotlaicite.blogspirit.com
- http://blogs.mediapart.fr/blog/jean-bauberot


Source : Le site Internet de l'association "Enfants de la Patrie", une association luttant contre le racisme et l'islamophobie http://www.enfantsdelapatrie.net/


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